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Le système de mise à l'eau des hydravions Laté 631 à Biscarrosse

Il ne subsiste pas grand-chose de l'hydrobase des Hourtiquets. L'immense treuil qui servait à hisser ou mettre à l'eau les Latécoère 631, ainsi qu'une maquette montrant le dispositif de mise à l'eau via le slip (rampe d'accès) sont maintenant visible au musée de l'hydraviation, sur le site de l'ancienne base de montage et d’essais en vol de la société Latécoère.
Principe de mise a l'eau sur slip.


Treuil servant à hisser les Laté 631 sur le slip.
Le F-BDRA halé par "le personnel ouvrier", sur le slip aux Hourtiquets.
F-BDRA sur le slip.
Principe de mise a l'eau sur slip.

Quatrième accidenté de sa série - Le Figaro - 30 Mars 1950

Un Latécoère 631 s'engloutit au large du cap Ferret avec ses douze occupants. 
C'est au cours d'un vol de réception que la catastrophe s'est produite.


Bordeaux. 29 mars. - L'aviation française est en deuil. Un terrible accident, dont on ignore encore les causes, s'est produit, hier après-midi, au large du cap Ferret, provoquant la mort de douze personnes, toutes appartenant à des services techniques aéronautiques. Un hydravion géant de la base de Biscarosse - un Latécoère 631 - s'est abîmé en mer, à deux kilomètres de la côte. La pinasse Etoile-Filante, du port d'Arcachon, et le chalutier Henri-Jauvin, des Sables-d'Olonne, se dirigèrent aussitôt vers le lieu la catastrophe et une bouée fut mouillée à l'endroit où s'était englouti l'hydravion.

L'extrémité du plan droit se détache


Des témoins du drame nous ont déclaré : 
- Nous suivions les évolutions de l'hydravion géant depuis l'Océan, du côté du cap Ferret, quand, alors qu'il était à une altitude d'environ 1.200 mètres, se détacha l'extrémité du plan droit.
- L'appareil perdit de la hauteur. On sentait que le pilote faisait des efforts pour redresser son appareil en donnant le maximum au moteur. A ce moment l'hydravion laissa échapper un panache de fumée, se mit en vrille, sembla un instant vouloir se redresser, mais en quelques secondes, le lourd appareil s'écrasait dans l'Océan, qui était hier particulièrement calme.
- Aucun débris n'apparaissait... Nous avons alerté la base de Biscarosse, cependant que les habitants de la région se portaient vers la plage, essayant de repérer le point de chute et de découvrir des épaves.
C'est un peu plus tard que le chalutier repêchait un corps, tandis que la pinasse en hissait à son bord deux autres qui ont été transportés à Arcachon dans la salle du conseil municipal, transformée en chapelle ardente. Il s'agit de MM. Robert Boissard, chef pilote, Jacques Brotin et Dumonteil.

Recherches à la lueur des fusées d'avion


Et toute la nuit des bateaux éclairés par des fusées que lançaient des avions ont patrouillé sur les lieux du sinistre. Au matin, on a pu repérer l'épave, qui gît par 40 mètres de fond, à 3 kilomètres de la côte.
Des appareils venus de la base de Biscarosse ont recommencé leurs vols dès le lever du jour, afin d'essayer de découvrir les neuf autres victimes. Précisons que le chef pilote Boissard effectuait en l'occurrence un dernier vol d'essai avant de regagner, dans la soirée, Paris où il devait prendre son congé... A midi, le préfet de la Gironde est venu s'incliner dans la chapelle ardente et a déposé une gerbe de fleurs.

La liste des victimes


Voici la liste des victimes :
MM. Boissard, chef pilote de la S.E.M.A.F. (Paris) ; Dumonteil, mécanicien (Biscarosse) ; Coulé, mécanicien (Biscarosse) ; Faugère, mécanicien (Biscarosse) ; Lepêcheur, radio (Arcachon) ; Renaud, directeur des services techniques (Biscarosse) ; Remory, service technique (Biscarosse) ; Grezel, adjudant (Biscarosse) ; Malpot, ingénieur, chef de base (Biscarosse) ; Bouchery, directeur technique de la Société des Hélices Ropol ; Martin, de la Société des Hélices Ropol ; Brotin, de la Société des Hélices Ropol.

Premières hypothèses sur la catastrophe une pale d'hélice aurait lâché comme en 1945 au large de l'Uruguay


Le Laté 631 n°3, immatriculé F-BANU, dont la compagnie privée S.E.M.A.F. (Société d'Exploitation du Matériel Aéronautique Français) que dirige M. Julien Brunhe, ancien président de la Commission des Transports au Conseil de la République, avait pris livraison mardi matin, avait effectué un premier vol de réception dans la journée même. C'est au cours du deuxième vol que s'est produite la catastrophe.
Nous avions indiqué hier, dans nos nouvelles aériennes, que des essais de vibration d'hélice allaient avoir lieu sur cet appareil. C'est en effet là le point sensible de l'hydravion géant : trop de démonstration en ont été faites.
S'il faut en croire certains techniciens que nous avons consultés hier, voici l'hypothèse la plus logique sur les causes du sinistre.
Tout comme lors de l'accident du Lionel-de-Marmier, le 31 octobre 1945, au-dessus des côtes de l'Uruguay, une des pales d'hélice se serait détachée en vol. Mais au lieu qu'il s'agisse d'une hélice du premier moteur bâbord, comme en 1945, l'incident mécanique serait survenu au moteur de bout d'aile, où les vibrations sont autrement dangereuses. On voit dès lors le déroulement du drame : la pale vole en l'air, le moteur vibre à toute extrémité et s'arrache du plan, qui cède à son tour. C'est ensuite la vrille, dont le mastodonte ne peut pas sortir, et l'écrasement dans les flots.
« Mais pourquoi, nous a-t-on dit, alors que les moteurs américains de l'appareil auraient du être équipés d'hélices américaines Hamilton, écoulait-on sur ceux-ci un stock d'hélices françaises ? Le souci parfaitement justifiable d'utiliser nos propres ressources industrielles, voire nos stocks vieillis, ne doit-il pas céder le pas, en tout cas, à la « sécurité d'abord » ? » Le F-BANU avait une vingtaine d'heures de vol à son actif. Il devait en effectuer encore dix environ avant d'entrer en service.
Un autre hydravion du même type était en exploitation sur la ligne Biscarosse-Abidjan, où il avait fait treize voyages avec 17 tonnes 5 de fret. Il était, en principe, réservé au transport cargo. Avec 520 heures de vol, il avait grillé une fois un moteur mais s'était posé normalement à Port-Etienne. Son meilleur temps avait été réalisé lors de son dernier parcours : 4.500 kilomètres en 13 h. 47 de vol.

Le Latécoère 631 pratiquement interdit de vol ?


- Le Laté 631 va-t-il être interdit de vol ? Avons-nous demandé dans les milieux officiels.
- Il faut une décision du ministre des Transports et des Travaux Publics qui serait prise sans doute en accord avec la direction technique et industrielle du ministère de l'Air.
- N'est-ce pas une procédure un peu longue alors qu'il est arrivé aux Américains d'interdire du jour au lendemain un appareil comme le Constellation, en attendant des résultats d'enquête ?
- Pratiquement, on peut considérer dès maintenant le 631 comme interdit de vol. Il ne circulera certainement pas ces temps-ci. En réalité, il s'agissait plus de matériel mis en essai qu'en exploitation.
- Sur quels itinéraires avait-on songé à le mettre en service en dehors de Biscarosse-Abidjan ?
- On avait pensé à l'Indochine, mais l'obligation de le faire amerrir sur la rivière de Saigon, où il risquait d'essuyer le feu des partisans, avait empêché de réaliser ce projet. Bien entendu, seul le transport de fret était envisagé.

Caractéristiques principales de l'hydravion Laté 631


- 6 rnoteurs Wright en étoile de 1.900 CV ;
- envergure : 57 mètres ;
- autonomie de vol : 4.700 kilomètres ;
- vitesse de croisière : 320 kilomètre-heure ;
- version passagers (abandonnée) :  52 personnes ;
- version cargo : 17 t. 5.

Les accidents du Laté 631


31 octobre 1945 : au cours d'un vol de démonstration France-Amérique du Sud (retour) une pale d'hélice se détache. L'hydravion fait un amerrissage forcé sur la lagune de San Ignacio, à 100 kilomètres environ de Montevideo. 2 morts.
21 février 1948 : le Laté 631-07, parti du Havre, par mauvais temps, sans équipement radio, s'abîme dans les flots au large de Saint-Martin-de Varreville, non loin de Cherbourg. 19 morts.
1er août 1948 : lors de sa 26eme traversée de l'Atlantique sur la ligne des Antilles le Laté 631 F-BDRC disparaît en mer. Dernier message à 2.300 kilomètres de Port-Etienne. Air France renonce à exploiter cet appareil. 52 disparus.

D.M.




YouTube - Giant French Plane Tested


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New French air giant 'Latecoere 631' - Townsville Daily Bulletin - 25 July 1947

The new French flying boat 'Latecoere 631' arrived at Hythe. Hampshire, England, last week on a demonstration flight. This giant of the air has a remarkable history. The building was begun in 1938, and was almost ready when the Germans invaded France in 1940. The craft was dismantled and parts hidden all over the country, until after the liberation, when it was reassembled. The six-engined Latecoere is the biggest flying boat yet built In Europe. It has a wing span of 188 feet, is 142 feet in length and is 94 feet in height.

Huge flying boat which France hid from nazis - The Advertiser - 22 July 1947

A huge French flying boat, the Latecoere 631 six-engined machine which is the biggest yet built in Europe, has a remarkable history. Its construction was begun in 1938, and almost when the Germans invaded France It was hurriedly dismantled and parts dispersed and hidden until after the liberation. It will be used in a French Transatlantic and is shown above landing at Hythe, England, during a visit last week.

Giant Flying Boat. - Western Mail - 4 October 1945

Powered by six engines and assembled from sections built secretly during the German occupation, the giant French flying boat Latecoere 631 has been officially tested by the French Air Force. Of high wing monoplane type, with large dihedral tail plane, the new aircraft has a wing span of 190ft 6in, can carry 50 passengers and 132,000lb of freight. It has been planned to operate from Paris to New York and to make the flight in 23 hours, carrying 40 passengers.

Wreckage of giant plane found - The Canberra Times - 24 February 1948

CHERBOURG, Monday.  
A trade-mark , on a life-preserver found in the sea appeared to confirm that the flying-boat crashed into the sea. The plane carried five Air Ministry officials, seven aviation construction experts and a crew, of seven. It was on a final experimental flight before going into service. A later report stated that wreckage of the giant aeroplane, Latecoere 631, which was missing with 19 persons on board, was found on Utah Beach, Normandy.

F-BDRD - Le Havre



F-WDRF - Le Havre


F-BAHG - Marignane - 1942


F-WANU


F-BDRB


F-BDRA - Les Hourtiquets

Aviation Magazine - N°50 - éditorial par Guy MICHELET rédacteur en chef - 15 Mai 1952

L'hydravion SE-200, aujourd'hui abandonné.
L'HYDRAVION DE CHARGE

Ce n'est pas simple hasard si tant de place est accordée, dans ce numéro, au grand hydravion français Latécoère 631. Nous sommes au nombre de ceux qui ont toujours défendu cet appareil, tant pour la réussite technique qu'il représente que pour les immenses possibilités que permet sa formule. Aujourd'hui, les troubles d'une jeunesse différée ont été surmontés et il est remarquable de constater que, malgré la date ancienne de sa conception, le Laté présente toujours un intérêt de premier plan. Il est simplement navrant qu'une mode technique passagère ait écarté la France, pendant si longtemps, du bénéfice des travaux importants qu'elle avait effectués dans le domaine des hydravions de gros tonnage.
L'autre semaine, M. Souville, gérant de la compagnie Hydro-France, nous avait convié, avec quelques confrères, à l'une des conférences de presse les plus intéressantes auxquelles il nous ait été donné d'assister, depuis longtemps. Il nous expliqua avec clarté comment on avait découvert la maladie du Laté et comment on y avait remédié, ceci fait l'objet d'un important exposé de notre rédacteur technique. Il développa aussi quelques idées fort séduisantes sur la remise en service possible des sept hydravions de ce type, le genre d'utilisation commerciale auquel ils se prêtent le mieux et sur l'avenir de l'hydravion de gros tonnage, en général.

Tout d'abord, il convient de rendre hommage à M. Pierre Montel, qui a su prendre la responsabilité de la remise en état d'un Laté-631, de façon à établir, par des essais définitifs, les qualités et les défauts de cette machine. Aujourd'hui, ces essais ont été accomplis, un long voyage a été mené à bien et l'on se montre officiellement satisfait du comportement de l'appareil modifié. Voici donc revalorisé un hydravion dont la construction avait coûté des sommes importantes et qui hier encore, était réduit à l'état de ferraille sans grand prix par l'abandon dans lequel on le laissait.
Les transformations envisagées et qui, outre les modifications d'ailerons et des groupes motopropulseurs, portent sur l'établissement de portes cargo, atteignent un prix d'environ 60 millions par appareil. Or, le prix actuel d'un DC-4 est de 80 millions et le Laté présente un volume de travail trois fois supérieur à celui du quadrimoteur terrestre. On voit donc que l'opération est largement rentable et il faut souhaiter, en conséquence, que les six appareils restants soient, eux aussi, rapidement remis en état.

Le seul inconvénient que l'on pourrait trouver à la mise en service d'une pareille flotte serait la perturbation possible qu'elle pourrait apporter dans l'ordre si difficilement établi dans l'exploitation des compagnies privées. Or, il ne semble pas que ce danger doive exister, car l'exploitation du Laté se place sur un tout autre plan et le fret qu'il est susceptible de transporter vient se placer en dehors des courants déjà établis.
D'autre part, il est d'autres transports qu'on peut envisager avec un tel appareil, comme le rapatriement généralisé des fonctionnaires coloniaux, ce qui accélérerait le rythme des congés de ceux-ci et les rendrait indisponibles moins longtemps dans ces périodes; ce qui donnerait un nouvel essor économique aux territoires d'outre-mer et modifierait sensiblement leur forme de vie. Les Laté ainsi utilisés, ne seraient donc pas affectés à une ligne, mais, tels les navires marchands, pourraient aller de port en port, là où leur service l'exigerait.
On peut aussi envisager l'emploi des hydravions de gros tonnage pour le transport des troupes, avec leurs encadrements et leurs équipements, qui exige actuellement de longues immobilisations des unités. On sait que les Anglais envisagent l'utilisation de leurs grands hydravions Princess à cette mission et que les Américains ont déjà adopté cette solution avec leurs Mars. Les Latécoère, ou tels autres appareils de même tonnage, comme le SE-200, combleraient une grave lacune du transport militaire français et l'on peut se demander si la flotte actuelle serait même suffisante. On peut aussi envisager l'exécution d'une telle mission par des compagnies civiles travaillant sous contrat avec les forces armées, comme cela se pratique en Angleterre. 

Enfin, la remise en service de ces appareils doit nous être très précieuse, au moment où, dans le monde entier, on se tourne à nouveau vers l'hydravion, de gros tonnage, qui sera probablement le véhicule idéal de la puissance nucléaire. L'expérience que nous pouvons gagner là ne doit être négligée à aucun prix et outre les Latécoère, il faut faire voler à nouveau le SE-200 et aussi la maquette volante SE-1210, cependant que les études abandonnées doivent être reprises.
Le retour en faveur de l'hydravion peut être une carte importante pour la France.

Signature Guy Michelet

F-BRDC - Air France

F-BANT - Lionel De Marmier